Interview de Dani García et Alain Delamuraz

Image
Interview with Dani García and Alain Delamuraz - Blancpain
6 minutes read
Nous nous sommes entretenus avec le chef étoilé Michelin et le Vice-Président et Directeur Marketing de Blancpain sur les parallèles entre la haute gastronomie et la haute horlogerie.

Le chef Dani García, qui dirige à Marbella un restaurant portant son nom avec deux étoiles Michelin, est la dernière célébrité à rejoindre la cuisine de Blancpain. Lors de sa première visite à la Manufacture Blancpain à La Vallée de Joux, WorldTempus s’est entretenu avec lui autour d’un buffet de fromages, viandes froides, röstis et saucisses et juste avant une copieuse sélection de desserts constituée de tartes faites maison et de meringues à la crème double au chalet d’alpage le Chalottet.

Question à Dani García:

Pourquoi avez-vous choisi de vous associer à Blancpain ?
Il y a beaucoup de similitudes entre l’horlogerie et la gastronomie mais Blancpain travaille avec des chefs depuis très longtemps, donc c’est spécial pour moi de travailler avec cette marque. Nous partageons les mêmes valeurs en termes de qualité et de luxe. Je vis dans une ville associée au luxe (Ndlr : Dani García vit à Marbella, où il possède trois restaurants) où il y a beaucoup de gens qui aiment le genre de montres que Blancpain produit.

Interview de Dani García et Alain Delamuraz

Question à Alain Delamuraz:

Y a-t-il eu quelque chose en particulier qui vous a impressionné chez Dani García ? Pourquoi avoir choisi ce partenariat ?
Le plus important est que les deux partenaires soient d’accord sur l’approche. Le meilleur exemple que je peux donner c’est notre partenariat avec Joël Robuchon. Il détient 31 étoiles Michelin et nous nous sommes rencontrés un jour à Monaco. Je lui ai proposé que nous travaillions ensemble, il a accepté et nous avons commencé à discuter des détails. Mais lorsque je suis revenu en Suisse, ma direction m’a demandé « combien ? ». Je n’avais pas la réponse et mes supérieurs pensaient que ce serait bien au-delà de notre budget de toute façon. Donc lorsque je l’ai vu la fois suivante j’ai dû aborder ce sujet délicat, mais cela ne l’intéressait pas du tout de parler d’argent. « Avec l’argent arrivent les contrats, m’a-t-il dit, et avec les contrats les avocats, et avec les avocats les disputes. Mais je ne veux pas me battre avec vous, donc je ne veux ni contrat, ni argent ni avocats. Vous m’amènerez de toute façon des clients. »

Le style du chef compte aussi. Je ne pense pas que nous aurions pu nous associer à des chefs dont la philosophie culinaire tient davantage de la reconstruction des plats que des valeurs traditionnelles. Ces valeurs sont exactement ce que nous essayons de transmettre chez Blancpain et cela fonctionne très bien avec quelqu’un comme Dani García.

Question à Dani García:

Qu’est-ce qui vous a le plus impressionné lors de la visite des ateliers ?
A maints égards cela ressemble au travail dans une cuisine. Le client voit le plat terminé et peut être impressionné, mais il ne voit pas nécessairement tout ce qu’il implique. Par exemple, il ne réalise peut-être pas que le canard a été cuit lentement pendant 24 heures. Mais la visite d’aujourd’hui m’a montré que l’horlogerie va encore au-delà. C’est davantage qu’une question de qualité et de passion. C’est dommage, à mon sens, que tout le monde n’ait pas la chance de voir ce genre de choses. En Espagne il n’y a que peu de personnes qui comprennent le genre de cuisine que nous faisons, où derrière chaque plat il y a une philosophie. Tout le monde peut manger, mais tout le monde n’est pas capable de comprendre. C’est la même chose avec une montre : tout le monde peut lire l’heure, mais tout le monde n’a pas la chance d’apprécier tout le travail qu’une montre suppose.

Interview de Dani García et Alain Delamuraz

Comment conciliez-vous la tradition et l’innovation dans votre cuisine ?
Mon restaurant s’appelle Dani García Cocina Contradición, ce qui exprime parfaitement cette idée puisqu’elle peut être comprise de deux façons. D’un côté il y a le respect de la tradition (« con tradición ») avec l’utilisation de recettes de ma mère et de ma grand-mère, mais de l’autre il y a un aspect plus moderne (« contra ») qui recourt à de nouvelles technologies et de nouvelles techniques.

Avez-vous vu quelque chose dans les ateliers qui vous a inspiré ?
C’était incroyable de voir les machines qui percent les trous minuscules dans les platines des mouvements mécaniques, car je pourrais imaginer utiliser quelque chose de similaire pour les meringues. Ce ne serait pas facile, mais j’y ai pensé quand je les ai vues. La nourriture suisse traditionnelle, avec tout ce fromage et la fantastique sauce aux oignons que nous avons eue avec les röstis, était aussi une source d’inspiration. Chaque fois que je voyage je recueille des idées.

Interview de Dani García et Alain Delamuraz

Question à Alain Delamuraz:

Comme vous venez aussi de ce monde, cela vous a-t-il inspiré pour votre travail ?
Lorsque je suis arrivé dans l’industrie horlogère, j’ai compris les points communs et il y en a plus que vous ne croyez, même quelque chose d’aussi simple que le respect du client est commun à ces deux univers, donc cela vous aide lorsqu’il s’agit de mettre sur pied différentes collaborations.

Comment une marque relativement traditionnelle comme Blancpain gère-t-elle le processus de créativité et d’innovation ? Y a-t-il des lignes rouges à ne pas franchir ?
Tradition ne signifie pas répétition. Blancpain a été construite sur des bases solides, ce qui est un énorme avantage pour la marque. Nous devons constamment nous interroger sur nos actions et nos développements. L’industrie croyait qu’elle allait bien jusqu’à ce qu’elle soit presque balayée dans les années 1970. Nous devons être prudents.

Question à Dani García:

Y a-t-il également des parallèles à tirer entre les processus créatifs de la cuisine et de l’horlogerie ?
Oui, absolument. Par exemple, si je prépare une épaule d’agneau, je dois d’abord utiliser une machine dans laquelle l’eau est chauffée à 65 degrés Celsius précisément, puis j’enferme la viande dans un sachet plastique de cuisson avec des herbes et je la cuis lentement pendant 24 heures. C’est le processus technologique, similaire à la production des différents composants d’un mouvement de montre. Puis vient la phase de préparation, lorsque tout doit être coupé et assemblé parfaitement à la main, tout comme l’horloger assemble les composants individuels du mouvement à la main. Mais je crois que cette partie artisanale est beaucoup plus difficile pour la montre, car je ne fais peut-être qu’ajouter une poignée de saveurs différentes à un plat, tandis que l’horloger a des centaines de composants différents à gérer.

Interview de Dani García et Alain Delamuraz

Lorsque vous faites des dîners de gala, qu’aimez-vous montrer ?
Tout d’abord il faut se souvenir que l’on n’est pas dans sa propre cuisine, et que ce n’est pas toute son équipe. Dans mon restaurant j’ai 30 chefs pour servir 50 personnes, par exemple, mais pour le dîner de gala je n’en ai que trois, donc c’est vraiment différent. Nous créons un menu avec des plats que tout le monde peut comprendre, avec lesquels tout le monde sera à l’aise, y compris nous en cuisine. Ce serait pareil si un horloger devait assembler une montre hors de l’atelier, ce serait très différent !

Marque