« Une montre de luxe accessible à tous n’est plus une montre de luxe »

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“A luxury watch that everyone can buy is no longer a luxury watch” - Arnold & Son
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Florian Serex, CEO d’Arnold & Son, évoque la commémoration du 240e anniversaire du chronomètre, le désintérêt apparent pour les montres féminines et la notion de luxe.

L’invention du terme chronomètre par John Arnold fête son 240e anniversaire cette année…
Je préfère parler de commémoration que d’anniversaire. Arnold & Son n’avait pas encore vu le jour en 1764. La marque a été fondée en 1995 et un grand nombre d’années sépare donc ces deux dates. C’est la raison pour laquelle nous ne célébrons pas d’anniversaires mais commémorons certaines dates. En 1778, John Arnold soumit sa montre de poche à l’Observatoire royal de Greenwich pour mesurer sa précision en vue d’une certification chronomètre de marine. La montre passa tous les tests et, sur un an et demi, le taux de variation fut d’à peine deux minutes et demi, ce qui représente en moyenne 0,5 seconde par jour. Les exigences actuelles pour qu’un chronomètre soit certifié COSC se situent entre -4 et +6 secondes par jour, ce qui signifie que la montre d’Arnold était dix fois plus précise que les chronomètres d’aujourd’hui et mille fois plus précise que les montres de poche de l’époque. En dehors du fait qu’il s’agissait d’un progrès technologique de taille pour l’époque, John Arnold révéla même les secrets de sa fabrication et céda sa montre à un prix abordable. Il fut si heureux lorsqu’il reçut la confirmation de l’Observatoire royal qu’il écrivit une lettre pour présenter son produit et exprimer sa joie, qualifiant la montre de « véritable chronomètre ». Ce fut ainsi la première montre de poche qui porta le nom de chronomètre.

Qu’est-ce qui marche le mieux dans la collection 2018 ?
Nous avons eu de bons retours et des confirmations de commande, ce qui est extrêmement gratifiant pour nous. La Globetrotter a été très bien accueillie, en particulier lorsque nous communiquons le prix aux gens. Il s’agit d’une montre en trois dimensions avec l’hémisphère bien en évidence, comme on le voit rarement ailleurs, hormis peut-être chez quelques marques encore plus haut de gamme, et vendue au prix de 15 000 francs suisses. Les gens nous demandent s’il ne manque pas un zéro…

« Une montre de luxe accessible à tous n’est plus une montre de luxe »

Cette année, à Baselworld, j’ai été surpris par le total désintérêt apparent des médias pour les montres féminines. J’ai même rencontré des femmes journalistes et des bloggeuses qui n’étaient pas intéressées par les montres pour dames ! J’étais stupéfait et j’ai insisté pour leur montrer quand même nos montres féminines. Mais je me demande si cela vaut la peine de communiquer sur de telles montres, compte tenu du manque d’intérêt. A mon avis la demande existe, mais il faut vraiment promouvoir ces montres pour qu’elles soient remarquées.

Les montres Arnold & Son sont très techniques. Comment vous y prenez-vous pour transmettre cet aspect et le concilier avec une montre pour dames, telle que la Nebula ?
Je pourrais vous seriner avec toutes les caractéristiques techniques de la Nebula, mais je vous invite également à apprécier la montre pour son esthétique et sa symétrie. C’est une montre vraiment magnifique : elle est mince et ne mesure que 41.5 mm de diamètre. Elle est certes technique, mais également très élégante. De nombreuses femmes manifestent désormais de l’intérêt pour les montres de ce type et ont les moyens de les acheter, mais il est tout simplement regrettable que les gens ne semblent pas intéressés à en parler et que les soi-disant influenceurs semblent influencés davantage par leurs propres lecteurs.

« Une montre de luxe accessible à tous n’est plus une montre de luxe »

Êtes-vous satisfait de votre volume actuel de production ?
Les montres Arnold & Son sont extrêmement rares… peut-être un peu trop. Nous vendons actuellement 600 montres par an et je souhaiterais en vendre davantage. Par rapport au nombre de références dont nous disposons, la quantité de chacune d’entre-elles vendue par année n’est pas très élevée. Si nous prenons l’exemple de la Nebula, nous en vendons environ 30 par année, ce qui signifie que même au bout de dix ans il n’y en aura que 300 en circulation. Ce chiffre n’est qu’une simple goutte d’eau dans l’océan si nous le comparons à celui de la population mondiale. Ces montres se feront ainsi toujours rares. 

Nous ne sommes assurément pas une marque de mode, mais une authentique marque de luxe. Pour moi, cela signifie que nous ne procédons pas de la même manière qu’une marque fashion pour promouvoir nos produits. Une marque de mode doit ajouter une plus grande marge de bénéfice au prix de ses montres, car elle sait d’ores et déjà qu’elle va devoir dépenser d’importantes sommes sur le plan marketing pour pousser le produit. Les montres Arnold & Son resteront, pour leur part, un authentique produit de luxe dont les valeurs sont toutes véhiculées par le produit lui-même. Nous pouvons nous le permettre parce que nous ne promouvons pas massivement nos montres et désirons conserver cette notion d’exclusivité. Un produit de luxe accessible à tous n’est plus un produit de luxe.

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