Harry Winston, le joyau de Swatch

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Harry Winston, le joyau de Swatch - Swatch Group
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La firme biennoise investit près d’un milliard de dollars pour acquérir la marque de haute joaillerie et sa manufacture horlogère basée à Genève.


Tribune de Genève - 15 janvier 2013

Jean-Marc Corset


Joaillier de la Couronne britannique et des stars sacrées à Hollywood, la maison Harry Winston va devenir le plus beau bijou de la galaxie Swatch. Le groupe biennois a racheté la célèbre marque new-yorkaise, qui comprend le site de production de montres de Plan-les-Ouates, pour un montant global d'un milliard de dollars, soit 913 millions de francs. Le quart de cette somme représente le montant des dettes. Son propriétaire, la société canadienne Harry Winston Diamond Corporation, qui s'appellera dorénavant Dominion Diamond Corporation, ne conservera que ses activités minières.

Le groupe Swatch fait ainsi l'acquisition d'une marque de très haut de gamme, dont le potentiel de croissance est très prometteur, mais qui semble peiner à l'exploiter, faute de moyens. Les observateurs expliquent ainsi le prix élevé mis sur la table pour cette acquisition, la plus grosse jamais réalisée par la firme horlogère helvétique. «Dans le paysage horloger en pleine mutation, la consolidation avec un grand groupe est inévitable. Une maison ni très grande ni petite est face à des challenges insurmontables, remarque Maximilian Büsser, diplômé de l'EPFL passé par Jaeger-LeCoultre avant d'être directeur général de Harry Winston Timepieces entre 1998 et 2005. Swatch n'avait de son côté pas de pied dans la haute joaillerie.»

 

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Concurrents mieux sertis

Ses concurrents étaient pour leur part mieux sertis: Richemont détient Cartier et Van Cleef & Arpels, LVMH possède Bulgari, De Beers et Chaumet, alors que le groupe PPR a Boucheron. Swatch avait bien jeté son dévolu sur le joaillier américain Tiffany & Co., avec qui il avait convolé en justes noces. Mais l'alliance avait échoué en 2011, chacun se rejetant la faute. La scène de ménage se poursuit d'ailleurs devant les tribunaux.

Cette fois, le groupe biennois n'a pas manqué le coche. «Harry Winston complète de manière admirable le segment prestige de Swatch Group», a indiqué Nayla Hayek, la présidente du conseil d'administration.

Pour sa part, le patron Nick Hayek pense que Harry Winston va aider son entreprise à se développer dans le marché grandissant de la joaillerie de luxe et à se renforcer sur certains marchés clés, tels les Etats-Unis et le Japon. D'ici à quatre ou cinq ans, a-t-il déclaré à l'agence Reuters, Harry Winston pourrait voir ses ventes totaliser un milliard de francs suisses et son bénéfice net 250 millions.

Les ventes de son secteur luxe devraient, selon des estimations, atteindre 430 millions de dollars (393 millions de francs) durant cet exercice 2012-2013, qui clôt à la fin de janvier. La joaillerie représente les trois quarts du chiffre d'affaires, l'horlogerie le reste. L'ensemble de ces activités, totalisant 535 employés dans le monde, va passer dans le giron du groupe biennois. Les bijoux sont réalisés essentiellement aux Etats-Unis. Tandis que la production de montres, qui occupe aujourd'hui plus de 110 personnes, est basée à Genève dans les ateliers d'une manufacture toute neuve qui a démarré en 2007.

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Premières montres en 1989

Harry Winston a lancé ses premières montres en 1989. Mais une véritable division horlogère n'a été créée qu'il y a à peine plus d'une décennie. Et elle a connu une progression très rapide. Maximilian Büsser relève que durant les sept ans où il a été à la tête de l'entreprise, le chiffre d'affaires des montres a été multiplié par dix pour atteindre 80 millions en 2005.

La marque s'est fait connaître depuis 2001 par sa gamme Opus, qui offre chaque année le privilège à un grand horloger indépendant de signer une création personnelle de montre à complication. La série est toutefois limitée à 100 pièces par an. Et la production horlogère globale reste très modeste puisque la capacité de la manufacture est de quelque 15 000 unités par année alors qu'elle en produirait moins de la moitié. Si les dirigeants de Swatch n'ont pas voulu dévoiler hier leur stratégie pour leur nouveau bijou de famille, ils ont sans doute mis la main sur un bon filon.

 

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La légende du «joaillier des stars»


La marque Harry Winston doit une grande partie de son prestige à Marilyn Monroe. Dans "Les hommes préfèrent les blondes", la mythique blonde chantait: «Parle-moi, Harry Winston, dis-moi tout là-dessus!» Elle ne parlait pas de l'homme de sa vie bien sûr, mais du bijou de ses rêves!

Dès 1944, le joaillier avait eu l'idée de prêter ses plus belles créations aux stars du cinéma qui gagnaient des Oscars à Hollywood. Elizabeth Taylor, Katharine Hepburn puis Madonna, Halle Berry et Sharon Stone ont eu cet honneur.

Harry Winston a fondé son entreprise en 1932. Il avait pris goût aux belles parures qui brillaient dans la petite bijouterie que son père, Jacob, un émigrant ukrainien, avait ouverte à la fin du XIXe siècle à New York. Le joaillier avait, dit-on, le don pour acquérir les plus belles pierres précieuses dans le monde. D'aucuns affirment qu'un tiers des plus prestigieux diamants sont passés dans ses mains, dont le septième plus gros, de 726 carats. Il avait également travaillé sur le célèbre diamant Hope qu'il surnomma «The King of Diamonds», d'un bleu profond mais jugé «maléfique» par certains en raison du destin tragique de plusieurs de ses propriétaires. Il l'a finalement légué au Smithsonian de Washington, en 1958, où il est devenu le deuxième objet d'art le plus admiré après La Joconde .

La maison a vécu ses heures de gloire après-guerre jusqu'à la fin des années 70. A la mort de Harry Winston, en 1978, elle a connu un certain déclin en raison d'un conflit qui opposa ses deux héritiers. La renaissance de l'horlogerie traditionnelle et la montée en puissance de l'industrie du luxe au tournant du millénaire ont redonné à la marque ses lettres de noblesse. En 2004, elle a été dynamisée par la prise de participation majoritaire du groupe minier canadien Harry Winston Diamond Corporation.

A relever qu'avant la fabrication des montres, une première société Harry Winston avait été fondée en 1951 à Genève pour s'occuper de la distribution des bijoux en Europe et dans le monde.

J-M.C.

 

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