Une manufacture vivante

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A living manufacture - IWC Schaffhausen
Inauguré fin août et symbolisant le 150e anniversaire d’IWC, le tout nouveau centre de production ambitionne de séduire clients finaux et collaborateurs, selon la vision de son CEO Christoph Grainger-Herr, architecte de formation.

Quand une armature d’acier de plus de 1000 tonnes supportant 14’600 mètres cubes de béton et 2650 mètres carrés de parois intérieures de verre doit donner vie à des microcomposants de quelques milligrammes, tout en visant une qualité de vie professionnelle de premier ordre pour les 240 employés qu’elle accueille au quotidien, le défi est de taille. Il semble réussi. Si le processus de réflexion a pris des années (la parcelle de 20’000m2 proche de Schaffhouse a été acquise en 2012), la construction du « Manufakturzentrum » de 13’500m2 au sol n’a duré que 21 mois. Un premier exploit, quand on sait que les rénovations de boutiques de luxe à la Bahnhofstrasse ou à la rue du Rhône durent en général plus longtemps. Si 80 entreprises sont intervenues sur le chantier, l’âme est venue de Christoph Grainger-Herr et de ses équipes, impliquées dans la conception, puis dans la planification et l’exécution, au cours desquelles il a pris des décisions esthétiques et choisi les matériaux.

Une manufacture vivante 

Ainsi s’exprime l’architecte du temps

Pour le CEO qui avait commencé chez IWC en tant qu’architecte et designer « l'architecture va beaucoup plus loin que la seule conception d'un objet fonctionnel : un bâtiment est un système d'habitat qui influence directement la manière dont les gens y vivent ou y travaillent. Nos employés le surnomment leur domicile professionnel. L'architecture influence leur vie quotidienne et leurs relations sociales. C'est la raison pour laquelle un architecte doit comprendre comment les hommes se comportent et interagissent les uns avec les autres. Cette vision holistique m'a toujours fasciné ». A tel point que le souhait clairement exprimé vise bien au-delà de l’indispensable fonctionnalité : « Nous voulions un bâtiment à haute valeur esthétique qui exprime parfaitement l'esprit de notre marque, exprime IWC du point de vue structurel auprès de nos employés et visiteurs, j’ai donc contribué aux premiers concepts pour l'aspect extérieur du bâtiment et lui ai donné sa direction architecturale de base.» 

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Pour renforcer la convivialité de l’ensemble, où dominent le noir et le blanc (même les machines ont toutes été repeintes en blanc), le jeune patron a tenu à intégrer des touches de bois, « qui donne au nouveau bâtiment le caractère d'une maison avec une véranda spacieuse et crée une ambiance chaleureuse ». Pour la couleur, il faut regarder à travers les larges baies vitrées, derrière lesquelles les collines boisées changent de teinte au fil des saisons. Le personnel peut aussi en profiter depuis la large terrasse panoramique de la cafétéria à l’étage supérieur. Les jeux de lumière savamment orchestrés autour des vitrages permettent de nuancer son intensité selon les besoins des horlogers et l’impact de la température extérieure. Un indice sur son inspiration ? « Je me suis souvenu des pavillons d'expo d'art moderne. Dans ces pavillons, les pays ont exposé leurs plus grandes réalisations dans les domaines de la technique, du savoir-faire artisanal et de l'art. Ce mélange de galerie, d'atelier et d'exposition d'ingénierie m'a semblé être un cadre architectural approprié. Le style art moderne classique convient également très bien à notre marque. »

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Le futur vaut CHF 42 millions

Il s’agit du montant officiellement investi pour ériger ce bâtiment ultramoderne, fierté d’IWC autant que des autorités de Schaffhouse dont le nom figure sur les cadrans des montres qui en sortent en direction du monde entier. Ce qui parait raisonnable au vu des enjeux stratégiques d’une telle marque pour son futur, et en comparaison avec d’autres réalisations dans l’industrie horlogère.

Une manufacture vivante

Au-delà du symbole statutaire pour IWC que représente l’écrin architectural de sa nouvelle manufacture, le passage de son impressionnant hall d’entrée de 9 mètres de haut nous fait pénétrer dans une dimension où l’ingénierie et la technologie ne sont pas de vains mots. Non seulement les équipements sont du dernier cri, mais surtout leur agencement dans les différents corps de métier et la répartition dans l’espace de ces derniers permettent un flux de production et une communication entre les équipes complètement optimisés sur un seul étage (à part la production de boîtiers, au rez inférieur). Ce qui explique en partie les dimensions du bâtiment : 139 mètres de long sur 62 de large. COO d’IWC, Andreas Voll ne cache pas sa satisfaction : « Pour la première fois dans notre histoire, nous réunissons la production des composants, des boîtiers et des mouvements de manufacture sous un seul et même toit. Cette étape importante nous a surtout permis de concevoir nos procédés de production avec précision, de manière à obtenir un processus optimal et une qualité parfaite. À titre d'exemple, la totalité de la valeur ajoutée, de la matière première de la pièce individuelle jusqu'au mouvement de manufacture terminé, est désormais obtenue sur un seul étage dans un ordre logique. La proximité immédiate des bureaux par rapport à la production raccourcit également les canaux de communication et permet une coordination rapide entre les secteurs ». Au dos des blouses grises dont sont revêtues toutes les personnes travaillant à la production, quatre mots ressortent en lettres blanches : « Engineering time since 1868 ».

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Cet outil industriel flambant neuf met en scène plus de 1500 composants différents entrant dans la production des montres, parfois plus fins qu’un cheveu. L’atmosphère de certaines pièces y est contrôlée, ainsi que systématiquement toutes les opérations. L’analyse des données permet en permanence de comprendre d’où viennent les éventuelles erreurs et de les corriger, optimisant sans relâche les processus de production et donc la maîtrise des coûts, ce qui bénéficie au consommateur final au moment d’acheter sa montre IWC au prix le plus juste. En outre, « l'organisation de l'assemblage de nos diverses familles de calibres en ligne dédiées garantit un niveau de qualité maximum », déclare Andreas Voll, qui voit dans ce processus d’assemblage en plusieurs étapes l’avantage principal.

La boîte au trésor

La rigueur typiquement germanique est également de mise dans les étapes privilégiant l’intervention humaine, telles que le polissage des boîtiers en or. Selon les types de boîtiers, de 26 à 50 positions différentes sont nécessaires pour le polissage, voire le pré-polissage, de chaque pièce. Il faut alors une semaine à l’artisan pour en traiter un lot de 60. En un an, le système d’aspiration de poussière d’or récupère ainsi 2 kilos du précieux métal ! Le savoir-faire d’IWC dans l’usinage des boîtiers remonte aux années 1980 et se traduit par un large choix de matériaux pour sa clientèle : acier, bronze, or gris et rouge, platine, titane, et plus récemment le Ceratanium, breveté par IWC. « Ce matériau de boîtier révolutionnaire est aussi solide et léger que le titane et aussi dur et résistant aux rayures que la céramique », explique Andreas Voll. Ici, un étage entier est dédié aux boîtiers. Si le confort de la montre au porté est essentiel, même les gravures qu’admire ou exhibe son propriétaire au dos requiert des compétences spécifiques : gravure corrosive, laser ou mécanique. Il en va de même pour d’autres techniques d’usinage telles que le tournage au diamant, qu’utilisent les spécialistes pour enlever des copeaux d’or rouge ou de bronze sur le chronographe Portugaise par exemple.

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Les visites font partie du concept

Dans son discours d’inauguration, Christoph Grainger-Herr évoque le potentiel de 10’000 visites par an. Est-ce que cela fait rêver ? Toujours est-il que le concept d’expérience client à travers la visite de la manufacture est complètement intégré dans la réflexion architecturale du bâtiment. Un parcours est prévu sur deux étages, matérialisé au sol par un marquage gris anthracite dont il est demandé de ne pas s’écarter, sécurité et poussière obligent. Les guides accompagnant les groupes sont formés pour commenter les visites, disponibles en neuf langues. Différents panneaux didactiques complètent les explications aux différents arrêts, montrant notamment des exemples d’ébauches à plusieurs stades d’usinage. Au sein du département horloger, une alcôve cubique de verre est même aménagée avec deux ateliers pour éviter de trop perturber la concentration des horlogers. Deux d’entre eux y prennent place et montrent les rudiments de leur métier aux visiteurs. Ces derniers se sont auparavant annoncés auprès de leur détaillant IWC pour organiser la visite guidée.

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Et le bâtiment historique d’IWC au centre de Schaffhouse ? Il est conservé. Sur les quatre immeubles auparavant occupés par IWC, seul celui de Neuhausen a été remis. Il reste encore plus de 500 personnes dans les autres entités, dont tout le personnel du siège social de la société, mais également le SAV et les ateliers de complication.

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