Reprend son envol

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Takes to the skies - Breguet
La manufacture Breguet est revenue le 1er juillet sur les pas de Louis Breguet, industriel hors horlogerie mais avionneur visionnaire. La nouvelle Type XXI réunit les deux pans de cette saga familiale hors norme.

Breguet n’avait invité que deux journalistes sur la base militaire d’Evreux (France). Objectif : marquer l’arrivée de la nouvelle Type XXI et assister à la venue de la réplique du Breguet 14. Et c’est là un étrange paradoxe : de nos jours, les amateurs d’horlogerie connaissent son chronographe Type XXI, mais très peu l’histoire qui le précède et lui confère sa noblesse.

Face à constat, Breguet a décidé de faire parler l’histoire : son histoire, mais aussi l’Histoire. Louis Breguet a écrit les deux. Alors que la famille Breguet avait cédé sa marque horlogère éponyme, Louis l’engagea dans un autre domaine, l’aéronautique, jusqu’à devenir un avionneur déterminant du XXe siècle.

Une histoire enfin dévoilée

La manufacture Breguet a jusqu’alors peu évoqué cette épopée des airs. Priorité à l’horlogerie, sans aller chercher plus loin dans les mémoires de la famille. Et pour cause : plonger dans l’aéro-généalogie de la famille Breguet donne le vertige.

Louis Breguet (1880 – 1955) représente en effet la cinquième génération de la famille depuis Abraham-Louis, fondateur de la manufacture éponyme. En 1900, l’homme fait son service militaire...à Evreux. Il y prend un premier contact avec l’aéronautique mais rejoint Douai où l’entreprise familiale s’est spécialisée dans les moteurs.

Breguet inventeur de l’hélicoptère

Beaucoup l’ignorent, mais Louis Breguet va rapidement accoucher d’une première idée déjà révolutionnaire : le gyroplane. L’ingénieur avait pressenti  que les distances de décollage et d’atterrissage seraient un élément déterminant du succès d’un aéronef, problème dont son gyroplane à décollage vertical devait être la solution. On connaît la suite : durant les deux Guerres Mondiales, la rapidité de décollage et d’atterrissage furent décisives, et le gyroplane de Louis Breguet, prototypé en 1907, devint...l’hélicoptère.

Breguet Louis Breguet

Breguet et les betteraves

Ce sont pourtant les avions qui allaient occuper Louis Breguet les presque cinquante années suivantes. Dès 1907, il s’essayait en tant que pilote sur ses propres biplans, au-dessus des champs de betteraves de son Nord familial, ne manquant pas d’en arracher de nombreux plants lors de ses manœuvres. Les locaux l’en surnommèrent affectueusement l’ « arracheux d’betteraves », sans se douter qu’ils assistaient au décollage d’une épopée internationale.

Car Louis Breguet, déjà, sentait le potentiel de l’aéronautique. Il est l’homme qui, en 1909, comprit qu’il fallait rallier l’opinion publique à sa cause et inventa l’un des premiers meetings aériens de l’histoire, en 1909 à Douai. Un certain Louis Blériot y assiste. L’Etat-Major français en a écho et lui commande ses premiers avions. Louis Breguet, industriel visionnaire, s’engouffre dans la brèche. En 1911, il enlève le record du monde de vitesse avec un passager, puis deux. Un record comme un autre ? Loin de là : Louis Breguet posait en même temps les fondations de l’aviation commerciale.

14-18, la charnière

La Guerre de 1914 – 1918 précipite le cours des choses. Breguet voit ses commandes militaires exploser. Ses avions de bombardement et reconnaissance sont ceux de la victoire. Il s’associe à Michelin, Canton-Unné, Hispano, Farman, Gnome & Rhône et autres industriels. Les biplans Breguet évoluent à 6000 mètres d’altitude, échappant au feu ennemi. Un record.

Les premières liaisons longue distance sont établies : Istanbul, Bucarest, puis Tokyo, Manille, etc. Au passage, Breguet établit l’équation du rayon d’action d’un aéronef. Elle est toujours utilisée de nos jours et connue sous le nom de « Breguet formula » aux Etats-Unis.

Le Breguet 14, porte étendard de la maison, est commandé par les Etats-Unis, le Brésil, la Belgique, le Danemark, la Suède, le Pologne, l’Espagne et bien d’autres encore. Breguet produira même en 1918 l’un des premiers monoplans de l’histoire, en association avec le laboratoire...Eiffel !

Aux sources d’Air France et d’Airbus

En 1918, retour d’une éphémère paix  dans le monde, Breguet reprend le chemin de l’aviation commerciale. Il créée Air Union, qui deviendra plus tard le socle fondateur d’Air France. Dès 1930, Louis Breguet invente également un trimoteur à structure en acier pouvant embarquer dix passagers.

Ces fondations posées, la compagnie Louis Breguet va sans cesse les développer, augmentant les capacités de passagers, le tonnage, la vitesse, l’altitude, la puissance. L’industriel va jusqu’à inventer un appareil à deux-ponts, le Breguet 760. Il préfigure, avec 40 ans d’avance, l’Airbus A380. Airbus, une compagnie européenne, un modèle économique que Breguet avait également anticipé dès 1959 avec un appareil, le 1150 Atlantic, créé en coopération entre la France, la Belgique, l’Allemagne et la Hollande. La trajectoire de Louis Breguet le conduira ensuite jusqu’aux hydravions, avions de chasse et même automobiles électriques, jusqu’à sa disparition en 1955.

Il serait trop long de filer intégralement cette épopée mais son esprit se retrouve avec émotion et subtilité au sein de la nouvelle Type XXI de la maison. Une pièce qui ne sera plus perçue, on l’espère, comme un chronographe d’aviation de plus, mais la noble héritière d’une fulgurante trajectoire industrielle de l’aéronautique.

Breguet - Type XXI

 

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