La French Touch horlogère

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The French touch in watchmaking - Style
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Les marques horlogères françaises travaillent main dans la main avec la Suisse, mais gardent leurs particularités. Comment peut-on être français et faire des montres?

Il y a plusieurs manières d'être français, même en horlogerie. Il ne s'agit pas de degrés de mauvaise humeur ou de propension à se mettre en grève, mais bien de gradients d'identité. Tout d'abord, il y a l'origine historique. Par exemple, la marque Leroy cherche à perpétuer l'héritage des générations successives porteuses de ce nom, qui ont occupé le premier plan de l'horlogerie française entre les années 1780 et 1930.

Leroy

Cette notion d'origine peut se révéler complexe. Abraham-Louis Breguet était certes natif de Neuchâtel, mais il a fait toute sa carrière à Paris. On ne devient pas Horloger de la Marine Royale, titre dont la marque célèbre cette année le 200e anniversaire, depuis l'autre côté du Jura. Ce lien est aujourd'hui distendu. Breguet entretient encore un rapport particulier avec Paris, où se situe son musée, mais les montres n'y puisent rien sinon une inspiration.

Quasiment toute l'horlogerie haut de gamme est fabriquée quelque part entre le Lac Léman et les plateaux jurassiens, côté suisse bien sûr. Cela n’empêche qu'Hermès, qui opère depuis Bienne, n'ait la France et son esprit chevillés au corps. De même que pour Louis Vuitton, la question est simple : ils ont leurs sièges à Paris et des manufactures en Suisse. L'effectif est partagé, mais les décisions sont prises en France.

Louis Vuitton

Les marques joaillières représentent une exception identitaire dans le peloton des frenchies de horlogerie. Ces maisons sont nées sur ou autour de la Place Vendôme, y puisent leurs racines les plus profondes et y gardent des attaches fortes. Cartier a toujours été et reste une entreprise française. Et ce bien que son propriétaire, le groupe Richemont, soit basé en suisse et à capitaux sud-africains. Ses montres sont fabriquées en Suisse, dans les différentes entités manufacturières de la marque, mais peu importe. Cartier est un pilier du style français. De même, Chaumet et Boucheron ne vivent que face à la Colonne Vendôme, dans le code postal 75001. Leur adresse est leur identité. Pour ces maisons comme les marques de mode de renommée internationale, la montre est une extension de leurs gammes. Naturelle, certes, mais une extension tout de même. Les pièces que proposent Dior, Chanel ou Hermès sont des objets à l'existence propre, dotés d'une forte légitimité horlogère. Et cependant elles sont l'un produits de ces marques... et pas le principal.

Chaumet

Pour les pure players de l'horlogerie, la question est plus délicate. Richard Mille est français, son siège de fait est à Paris. Mais au-delà des sujets de design et de création, la marque est tellement fortement axée sur sa fabrication et sa technicité que sa part suisse est nettement prépondérante. Cela inclut ses manufactures d'assemblage et de boîtiers et des motoristes. Pour Bell&Ross, les proportions sont inverses. Profondément ancrée dans l'univers militaire, la marque s’inspire beaucoup des divers armées françaises. Son état-major est parisien, ses centres de décision aussi, ses créateurs y résident. Mais comme tant d'autres, la marque fabrique en Suisse.

Bell&Ross

Au-delà des doses de francité et de suissitude, des passeports et des frontières, quelle est la place de la France dans l’horlogerie ? Les marques sont peu nombreuses, mais quels noms ! La réalité du terrain se situe cependant sur un autre plan : humain. En termes d'effectifs, ils sont des dizaines de milliers de frontaliers et émigrés qui travaillent dans les watch valleys. Ils ne sont suisses qu'une partie du jour, ou de leur vie. Les parkings des manufactures proches de la frontières, au Locle, dans la Vallée de Joux ou vers les Franches Montagnes, sont pleins de plaques d'immatriculations françaises. Les équipes marketing et commerciales sont dans le même cas. La France a ses écoles de management, sa culture du luxe et la langue, bien sûr, qui la rapprochent encore plus de l'univers horloger suisse.

Et toutes ces marques françaises, qu'ont-elles en commun ? Une spécificité culturelle ? Une approche ? Si l'on réunit les marques horlogères et joaillières à la fois, la réponse devient assez évidente, elle s'articule autour de la pierre précieuse et partant, de l'objet précieux. Elles ont une culture du bon goût et du raffinement, dans une version nettement sophistiquée. Le dépouillement n'est pas le fort des français, la luxuriance est leur signature. Elles regardent volontiers du côté de la mode, de l'accesoirisation et elles ne considèrent pas ce mot comme une insulte. Au-delà de ces exemples, les vrais points communs sont au nombre de deux : toutes sont à la recherche d'une certaine excellence, et elles jouent le jeu d'une fabrication suisse. Les exceptions sont rarissimes, peu représentatives en termes de volume et d'autant plus méritantes.

Dor