L’échelle de l’audace

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L’échelle de l’audace - Garantie
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La garantie minimale n’existe pas en horlogerie. Chaque maison en fixe les limites, entre deux ou trois ans. Certaines marques, audacieuses, tentent le double, mais sous certaines conditions.


La garantie est, par essence, le service que l’on souhaite le moins utiliser ! Les qualités qu’offre une montre Swiss Made rendent d’ailleurs bien souvent l’usage de ce service superflu, pour peu que la pièce soit correctement entretenue.
Aussi, de nombreuses marques ont prolongé leur durée de garantie. Il arrive de la voir portée à quatre, cinq, voire sept ans ! Pour autant, cette extension n’est pas sans conditions. Par exemple, le propriétaire d’une Richard Mille aura sa pièce (neuve) garantie trois ans par défaut, mais dès lors qu’il effectuera sa révision auprès de la marque ou de l’un de ses distributeurs agréés, il bénéficiera de deux années de garantie complémentaire. Une manière d’inviter ses clients à effectuer la sacro-sainte visite des trois ans ?
Pas seulement : c’est aussi une manière de lutter contre la contrefaçon. Ainsi, la marque ou le détaillant agréé peuvent sortir du circuit les garde-temps de leurs clients que ceux-ci croyaient être des originaux… mais qui ne l’étaient pas.
 



Ce passage "recommandé" auprès de la marque permet aussi de fidéliser les clients. Chez Blacksand, par exemple, tout client qui s’enregistre bénéficie d’un an de garantie supplémentaire. Hautlence va plus loin : « Notre garantie de base est de trois ans, que nous doublons pour toute inscription à notre Hautlence Owner's club, via notre site internet », détaille Guillaume Tetu, CEO.


Volume et valeur

Il n’en reste pas moins que deux univers se côtoient et composent différemment avec la notion de garantie : volume et valeur. Dans le cas des marques de volume, produisant plusieurs centaines de milliers de pièces par an, la garantie est traitée dans le flot du SAV. Ces marques ont des centres de gestion dédiés, comme celui de Longines en France, dans le Doubs. Cette facilité transfrontalière est d’ailleurs l’un des plus gros enjeux économiques de la région bisontine pour les années à venir, la Suisse ne pouvant absorber, seule, les volumes de garantie et / ou SAV.

Lorsque l’on parle du marché de valeur des pièces produites à quelques dizaines d’unités, la garantie prend une toute autre dimension. Pourquoi ? Pour deux raisons : la première, c’est que la manufacture va traiter en direct, individuellement, chaque retour ; la seconde, c’est qu’elle a bien souvent une relation personnelle avec le propriétaire de la pièce. Dans ces conditions, la garantie n’est pas qu’une réparation : c’est une occasion unique de détecter un dysfonctionnement éventuel sur un mouvement très pointu. C’est aussi l’occasion, rare, d’échanger en direct avec son client et donc de préserver l’image de la manufacture.



Et pour les jeunes marques ?

La durée de garantie, pour une jeune marque, est critique, surtout si son mouvement est maison et peut potentiellement souffrir de défauts de jeunesse. Définir une durée de garantie de base est pourtant incontournable : elle met tous les propriétaires sur un pied d’égalité lorsqu’ils achètent une pièce neuve.
Pour les éventuelles extensions de garantie, Laurent Lecamp, CEO de Cyrus, a une approche originale : « Chaque pièce qui nous revient, pour entretien ou réparation, est examinée au cas par cas. S’il s’avère que c’est un usage inapproprié de la pièce qui la conduit en garantie, le client en assume la réparation. Si c’est un défaut de mouvement, rarissime, nous avons alors une autre approche : nous utilisons le surplus de mouvement que nous produisons volontairement chaque année (+10 à +15% par rapport à nos besoins réels) et nous nous servons dedans pour remplacer la pièce défectueuse voire, si besoin, le mouvement entier. Celui qui nous est parvenu est alors examiné, réparé, et réinjecté dans ce surplus des mouvements pour servir à son tour à de futures interventions ».
 



Et demain ?
 
La science horlogère est en progrès continu. Elle avance parfois sur les plates-bandes connues d’autres domaines, comme lorsqu’elle emprunte aux technologies spatiales (TAG Heuer) ou médicale (HYT).
Pour autant, parfois, l’innovation côtoie l’expérimentation. On obtient alors des pièces d’une rare technicité mais dont l’avenir mécanique reste incertain, faute d’avoir déjà été éprouvé. C’est le cas de De Bethune avec le procédé de résonique, entre autres. Aussi, lorsque la fiabilité sur plusieurs années est hypothétique et qu’une garantie traditionnelle serait risquée, ces manufactures ont une porte de sortie : requalifier leur développement de Concept Watch. La notion n’est pas normée, elle permet donc d’englober plus ou moins toute série limitée dont les progrès technologiques sont évidents, mais pas encore stables dans le temps. Il appartiendra alors au client de comprendre qu’une maison ne peut garantir l’avenir d’une pièce qui défriche, elle-même, cet avenir...