Le pas du métissage culturel avec PPR

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Le groupe horloger indépendant de La Chaux-de-Fonds a concédé 23% de son capital au numéro trois mondial du luxe.

Girard-Perregaux_320398_0 SOURCE : l'Agefi, 10 juin 2008 (cliquez ci-dessus) Par Stéphane Gachet Girard-Perregaux fait le pas du métissage culturel avec PPR

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Luigi Macaluso : seize ans d'indépendance avant d'intégrer la direction de PPR/Gucci Group
 

Les horlogers suisses dansent toujours au bal des Catherinettes. Après l'union médiatique de LVMH et Hublot (lire «L'Agefi» du 25 avril), c'est au tour du concurrent français PPR (Pinault-Printemps-Redoute) d'entrer dans le tourbillon des garde-temps. Sûrement, mais timidement. Luigi Macaluso, propriétaire du groupe familial Sowind – soit les marques Girard-Perregaux et Jean Richard – a réservé ses faveurs en ne laissant que 23% de son capital au numéro trois mondial du luxe. Loin donc des rachats sonnants et trébuchants auxquels le secteur s'est habitué. Il s'agit toutefois «d'un accord stratégique à long terme», qui réserve sans doute des surprises. Par ailleurs, un pacte d'actionnaires à été établi, ainsi que des «modalités qui permettront à PPR d'accroître, à terme, sa participation dans la société dont Luigi Macaluso conservera le contrôle». PPR est encore loin de rattraper la concurrence Le partenariat industriel formalise surtout l'approvisionnement du joaillier Boucheron, fraîchement converti aux mouvements exclusifs du groupe Sowind, qui possède sa propre manufacture et son département de recherche et développement. Une légitimité clés en main, qui ouvrira le marché à la plus prometteuses des marques de PPR, toujours en mal de pur-sang. Le groupe français ne comptant jusqu'alors que deux autres canassons dans son écurie, Gucci et Bédat. L'intérêt de s'adosser à un nom prestigieux comme Girard-Perregaux est donc évident. Quant au groupe familial, il hérite dans l'aventure d'une puissance logistique et d'un réseau de distribution inespérés pour un acteur solitaire et ses 20.000 montres par année. Le pas semble toutefois incroyablement prudent, qui plus est sur un terrain dont les marges figurent parmi les perles du secteur du luxe. Et, au vu du retard pris par PPR face à la concurrence, notamment LVMH, les 23% du groupe chaux-de-fonnier paraissent anecdotiques. D'autant plus que le prédateur parisien a déclaré à l'envi «être à l'affût de toutes les opportunités». Mais le pas est fait. Bien fait même, puisque l'échange se poursuit au-delà de la capacité de production du groupe chaux-de-fonnier. C'est à un véritable métissage culturel que Luigi Macaluso et ses deux fils – dont Massimo, directeur de Jean Richard – sont conviés. D'une part, PPR, représenté par François-Henri Pinault en personne et Robert Polet, CEO de Gucci, siégera au conseil de la société familiale. D'autre part, Luigi Macaluso devient membre du groupe de travail du directoire de Gucci et du conseil d'administration de Boucheron. Le rapprochement était attendu depuis une année De quoi faire taire les spéculations persistantes sur le rachat de Girard-Perregaux, dont le rapprochement avec PPR était attendu depuis plus d'une année. Depuis février 2007 précisément, date à laquelle le chaux-de-fonnier a conclu un partenariat avec Boucheron, qui cherchait alors à bâtir une identité horlogère. Le regain d'intimité ne fait qu'appuyer l'avancée du joaillier dans le landerneau du très haut de gamme. Il gagnera peut-être même un sésame vers le saint des saints, puisque Girard-Perregaux fait partie des rares indépendants membres de la Fondation de la haute horlogerie, présents de fait au salon SIHH de Genève, fief de Richemont. L'avenir donnera le tempo de la danse nuptiale qui s'amorce. En attendant, Luigi Macaluso, né un 9 juin, reste fidèle à lui-même. Il se rendra demain à son bureau. Il sera 7 heures 30. Il ouvrira son courrier et prendra un café avec quelques-uns de ses 350 employés. Mais ce soir, c'est télé. En bon Italien, il sera rivé sur le match Italie-Hollande. Et, si la victoire est au rendez-vous, sa journée aura été parfaite. C'est comme cela que l'on célèbre son anniversaire chez les Macaluso.

3 questions à Luigi Macaluso

Pourquoi n'avoir ouvert que 23% de votre capital? PPR a eu la sensibilité de respecter des valeurs qui me sont chères: l'indépendance intellectuelle et réelle. J'ai la chance de travailler avec mes deux fils, qui comptent tous deux poursuivre dans l'horlogerie. J'ai également la chance d'avoir des rapports personnels avec François-Henri Pinault et je sais qu'il respecte la famille. François-Henri Pinault et Robert Polet, directeur de Gucci (PPR), siégeront dans votre conseil d'administration. Ne craignez-vous pas que cette ingérence ronge votre indépendance? Ingérence n'est pas le terme approprié. Je parlerais plutôt de coopération soutenue. Collaborer avec un acteur de la dimension de PPR est une occasion de nous structurer sur le long terme en nous appuyant sur une logistique solide et une véritable culture d'entreprise. Et cela va dans les deux sens, puisque nous participerons aussi à des groupes de travail avec Boucheron et Gucci. De plus, avoir PPR comme compagnon de route a été un véritable choix. Ce n'est pas le seul candidat à nous avoir approchés. L'entrée de PPR ferme à terme toute autre voie de développement. Pourquoi cloisonner ainsi votre avenir? Ce partenariat n'est pas une limite, mais au contraire une ouverture. Je sais que mes deux fils pensent également qu'il s'agit d'une fabuleuse opportunité de nous ouvrir à d'autres domaines, même si nous restons totalement concentrés sur notre métier et nos marques. Quant à notre développement, nous le poursuivrons comme nous l'avons toujours fait. Quand je suis arrivé chez Girard-Perregaux, la manufacture était très réduite. La maison n'a cessé de grandir depuis et nous continuerons sur cette voie. Propos recueillis par SGt