Gérald Genta ou l'incarnation du créateur

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Le 17 août, l'horlogerie suisse perdait l'un de ses designers les plus prolifiques. Nombreux sont ceux qui se souviendront longtemps de lui et de ses extravagances mécaniques.
Tribune des Arts - Septembre 2011S.G.

“Je n'ai rencontré Gérald Genta qu'à deux ou trois reprises. Mais à chaque fois, sa vivacité d'esprit et son enthousiasme communicatif lorsqu'il parlait de ses projets m'ont laissé une image forte, une empreinte indélébile. Celle d'un esprit en mouvement permanent et toujours prompt à remettre en question ce que nous autres avions déjà jugé comme abouti. Gérald Genta était et restera l'incarnation du créateur.”

Philippe Merk, CEO d'Audemars Piguet

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Le 17 août, l'horlogerie suisse perdait l'un de ses designers les plus prolifiques. Nombreux sont ceux qui se souviendront longtemps de lui et de ses extravagances mécaniques.

À 23 ans, Gérald Charles Genta produisait déjà quelque 1000 dessins horlogers par an... qu'il vendait 15 francs chacun! C'est que ce Genevois, artiste et homme d'offaires dans l'âme, avait fait ses études pile au bon moment. À une époque où la joaillerie et l'horlogerie étaient en crise, l'obligeant à compléter sa formation par d'autres métiers annexes, comme celui de couturier ou de courtier en publicité. Si bien que, très vite, diplôme fédéral de joaillerie en poche, il se mit à proposer ses propres créations horlogères. Aujourd'hui, rares sont les marques n'ayant pas fait appel à son talent. Et beaucoup lui doivent de véritables icônes.

En 1972, Gérald Genta créait la célèbre Royal Oak qui deviendrait et demeure le best-seller d'Audemars Piguet. La gestation n'aura duré qu'une nuit, sur la base d'un simple appel téléphonique. En 1976, il signait la Nautilus réf. 3700 de Patek Philippe, suivie un an plus tard, de la Bulgari-Bulgari. Depuis, elles n'en finissent pas de se réinventer, avec un succès jamais démenti. En 1982, ce fut le tour de la Seamaster Polaris d'Omega. Des exemples parmi tant d'autres…

 

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Entretemps, en 1969 plus exactement, le designer aura fondé sa propre marque, Gérald Genta, reconnaissable entre toutes avec ses boîtiers avant-gardistes, ses couleurs osées et ses afichages non conventionnels, uniquement gouvernés par des mouvements compliqués. C'est ainsi qu'il nous a livré au passage deux pièces historiques: la Répétition Minutes la plus plate du monde avec sa boîte n'excédant pas les 2,72 mm d'épaisseur et cette Grande Sonnerie dotée de plus de 1000 composants, qui fut considérée comme la montre-bracelet la plus complexe jamais réalisée. Respectivement, en 1981 et 1994. Ce qui ne l'empêcha pas, en 1998, de vendre son entreprise pour se consacrer à son autre passion qu'était la peinture. Laquelle finit par s'immiscer dans sa seconde marque, Gérald Charles, fondée en 2001.

Humour, luxe et audace

De Gérald Genta, certains n'ont retenu que cette montre au boîtier octogonal, dont les aiguilles n'étaient autres que les bras d'un Mickey Mouse arpentant joyeusement le cadran de ses grosses chaussures jaunes. C'était dans les années 80. Pour la première fois, les personnages de Walt Disney s'associaient à l'horlogerie de luxe. Or, plus qu'une anecdote, cette pièce est emblématique de l'intarissable designer. Né en 1931 d'un père piémontais et d'une mère suisse, il était investi de ce sens très italien du design et de cette rigueur propre à l'horlogerie helvétique, mais avec un humour, une audace et une énergie peu communes. Des qualités auxquelles s ajoutait un côté grand seigneur qui marque à jamais les esprits.

Le 17 août, tout juste âgé de 80 ans, Gérald Genta nous quittait. Mais l'empreinte qu'il laisse dans la création horlogère de la seconde moitié du XXe siècle n'est pas prête de s'éteindre. Avant lui, le métier de designer n'existait pas en horlogerie. Après lui, il n'aura plus la même saveur.

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