Retrouvée en territoire ennemi

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Recovered from enemy territory - Editorial
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Une ancienne Eternamatic Centenaire 61 ayant appartenu à un espion a été rapportée en Israël par le Mossad.

Je pouvais à peine en croire mes yeux lorsque la BBC a choisi d’en faire un de ses principaux titres, mais le retour en Israël d’une montre portée par Eli Cohen, un espion qui avait infiltré le régime syrien, a été traité comme une nouvelle majeure dans le pays. Pourtant, cela fait un moment que l’histoire a été divulguée et j’ai été surpris qu’aucun autre media horloger ne semble s’en être fait l’écho.

Difficile d’imaginer le gouvernement de Sa Majesté envoyant le MI6 récupérer l’Omega Seamaster de James Bond au cas, fort improbable, où il serait pendu. C’est pourtant ce que l’Etat d’Israël a fait pour la famille d’Eli Cohen, démasqué par les Syriens et exécuté le 18 mai 1965. Contrairement à James Bond, Cohen était un véritable espion qui a laissé une famille derrière lui. La récupération de l’une de ses dernières et rares possessions, en particulier parce qu’elle avait été en contact avec sa peau, revêt une dimension émotionnelle pour la veuve de Cohen, Nadia, à qui la montre a été remise lors d’une cérémonie spéciale.

Se donner autant de mal pour retrouver cette montre semble néanmoins un peu excessif. En lisant le communiqué de presse diffusé par le bureau du Premier Ministre israélien, on aurait pu croire que le pays célébrait une attaque militaire couronnée de succès. « Je félicite les combattants du Mossad pour leur opération déterminée et courageuse », rapporte le communiqué citant les paroles du Premier ministre Benyamin Netanyahu. Mais l’opération courageuse consistait à sauver un otage horloger, et non humain : une modeste Eternamatic Centenaire 61. Elle ne semble pas en bon état et elle n’a pas de bracelet. En fait, on peut en trouver une en bien meilleures conditions sur internet pour environ mille dollars américains. Bien sûr, là n’est pas la question, puisqu’il s’agit d’un objet à valeur sentimentale récupéré lors d’une opération réussie derrière les lignes ennemies. C’est donc un double succès pour le Mossad : d’un côté ramener un objet précieux à quelqu’un qui n’a jamais eu la possibilité de tourner la page puisque le corps de son mari n’a jamais été récupéré, mais aussi infliger un camouflet à l’état ennemi à qui la montre a été reprise.

La véritable histoire derrière cet audacieux sauvetage ferait sans nul doute un bon livre, voire un film, mais il est peu probable qu’elle soit racontée un jour, du moins tant que les agents impliqués seront toujours en activité. Les questions concernant la façon dont la montre a été localisée et exfiltrée resteront probablement aussi sans réponses. Et c’est également une histoire qui remonte à une décennie révolue, lorsqu’une montre était une montre. Est-il envisageable qu’un tel épisode soit raconté dans 30 ans et de tels efforts déployés pour récupérer une montre connectée obsolète ?

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