Joyeux anniversaire la Suisse!

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Happy Birthday Switzerland ! - Editorial
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Réflexions sur l'horlogerie mécanique et ce que l’on appelle la « suissitude ».

Une vieille dame fête son anniversaire cette semaine ! Ce jeudi 1er août, la Suisse aura 728 ans. Il y aura des feux d’artifice, des barbecues, on profitera du soleil, et surtout, nombreux seront ceux qui quitteront la ville pour un week-end prolongé, et l’on pourra enfin trouver une place dans ce petit bar branché au bord du lac.

Ce que je préfère en Suisse, c’est l’horlogerie – et puisque vous me lisez sur un site web horloger ou dans sa newsletter, vous partagez sûrement mon avis. Pour elle, j’ai traversé la moitié du globe pour venir m’établir à Genève.  C’est dire à quel point je l’aime.

Aujourd’hui, la Suisse est le pays des belles montres. Il y a bien des enclaves en Allemagne et au Japon, mais en réalité, c’est en Suisse que tout se passe.

Pourtant, l’horlogerie n’est pas née en Suisse. Elle ne s’y est développée à une large échelle qu’après les guerres de Religion du XVIe siècle en France.  Fatigués d’être traînés dans la boue par les dirigeants catholiques du royaume, les huguenots protestants, parmi lesquels figuraient de nombreux marchands, artisans et autres professions, se sauvèrent en Suisse en emportant leurs négoces et leur savoir-faire. 

La Suisse accueillit à bras ouverts ces très talentueux réfugiés, préparant ainsi le terrain de son actuelle suprématie mondiale en matière d’horlogerie mécanique. Cette ouverture sur les opportunités économiques est très suisse et fait partie d’un corpus d’activités, d’attitudes et de préférences qui constituent la notion de « suissitude » - le fait d’être culturellement et psychologiquement suisse.

D’autres choses façonnent la suissitude, selon plusieurs Suisses qui m’ont conseillé d’en tenir compte pour bien m’intégrer dans mon nouveau pays de résidence :  le ski (non merci), ne pas parler à mes voisins (facile), manger du Cenovis (j’aime bien, en fait), du Parfait (ça a l’air effrayant, je passe), du Toblerone (le monde entier est suisse, donc), boire du Rivella (seulement le rouge), aimer Federer à la folie (je ne suis pas très tennis), chasser le dahu (j’ai quelques doutes à son sujet), ne pas faire de bruit après 22h (il faudrait le dire à mes voisins aussi), se plaindre à la gérance ou scotcher un billet aigre-doux sur la porte du voisin qui passe l’aspirateur après 22h (j’en parle d’expérience), se montrer modéré en tout (non, vraiment pas moi), aimer la fondue (miam-miam !), avoir des préjugés vagues mais bien enracinés sur les autres cantons (ce que je trouve risible), soutenir l’incontestable et sacro-sainte fermeture des magasins le dimanche (je ne serai jamais pour), se disputer sur les différentes façons de faire les röstis (elles sont toutes excellentes), parler sans cesse d’argent, ou pas du tout. 

La suissitude a forgé l’horlogerie, pour le meilleur ou pour le pire. L’amour de ce pays pour ingurgiter des trucs bizarres et être antisocial a donné naissance à certaines des créations micromécaniques les plus ingénieuses au monde. Dans son roman Midnight’s Children, Salman Rushdie note que « pour comprendre ne serait-ce qu’une seule vie, il faut avaler le monde entier ». Remplacez « une vie » avec « l’horlogerie » et « le monde entier » par « la Suisse » et vous obtiendrez une affirmation tout aussi juste. 

Bon anniversaire, la Suisse. Continue comme ça, on t’adore.