Première interview exclusive de Jérôme Biard, CEO

Image
First exclusive interview with CEO Jérôme Biard - Corum/Eterna
4 minutes read
L’homme est arrivé à pas feutrés. Inconnu du public, peu exposé, Jérôme Biard le sera désormais, depuis qu’il a pris les rênes de Corum et d’Eterna, le 15 août dernier. WorldTempus l’a rencontré le surlendemain, à Neuchâtel. Interview exclusive.

Le public va apprendre à vous connaître, vous qui êtes plutôt un homme de l’ombre...
Oui, je suis dans la sphère horlogère depuis plus de 25 ans mais sans avoir été en première ligne publique. J’ai commencé chez Richemont à une époque où cette entité s’appelait encore PBM, pour Piaget, Baume & Mercier. J’ai passé cinq ans chez cette dernière avant de rejoindre Vacheron Constantin, Cartier puis Girard-Perregaux, en tant que directeur commercial global pour la marque, aux côtés de Gino Macaluso, un homme haut en couleurs aux côtés de qui j’ai beaucoup appris.
Mon expérience la plus récente fut dans la distribution, avec l’implantation et le développement de marques horlogères en Russie et Turquie. Nous étions en 2009, l’une des périodes les plus dures, comme vous le savez. Nous avons toutefois su nous y développer en travaillant avec des marques aussi bien lifestyle (Daniel Wellington, Fossil Group) que des maisons horlogères traditionnelles comme TAG Heuer et Corum.
 
Comment s’est passée la rencontre avec cette dernière ?
Très naturellement. J’avais déjà rencontré les investisseurs un certain nombre de fois, lors de dîners, dans le cadre de mes anciennes fonctions. Dans cette optique, j’avais pu partager ma vision très claire et très objective sur Corum, puisque je n’y travaillais pas. Ils ont manifestement apprécié puisque lorsqu’ils ont su que je cessais mes activités, ils m’ont fait une offre. Ce sont des gens très simples, directs et avec un sens aigu de l’engagement, de la parole donnée.
 
Ce sera votre première expérience avec des investisseurs chinois ?
Je ne raisonne pas de la sorte. Pour moi, ce sont des investisseurs, point. Ce sont des gens que je connais, qui me connaissent, qui font preuve d’une grande clairvoyance, qui aiment la marque, voient son potentiel et font appel à ce qui leur semble être les meilleures ressources pour en conduire le développement. Et par meilleures ressources, j’entends principalement les équipes à la Chaux-de-Fonds, que j’ai à présent le plaisir de conduire.
 
Où en sont justement les équipes locales après le départ de Davide Traxler ?
Incroyablement soudées et dynamiques. Je fus surpris de leur cohésion, de leurs multiples talents. Nous avons partout des équipes qui travaillent énormément, à pied d’œuvre permanent pour développer une marque en laquelle ils ont une foi inébranlable. Il y a actuellement 70 personnes à Chaux-de-Fonds.
 
Vous allez poursuivre la stratégie de Davide Traxler ?
En réalité il s’agit de la stratégie mise en place par le European Board. Le travail a été très bien fait, il y a un souffle créatif très puissant chez Corum et c’est un discours que je tenais déjà aux investisseurs alors que la perspective de mon arrivée n’était même pas envisagée. C’est une société saine, aussi bien financièrement qu’en terme d’état d’esprit. J’ai rarement vu un tel engagement à porter un projet commun que chacun s’approprie intimement.
 
Avec une croissance à portée de main ?
Parlons déjà d’équilibre ! Encore une fois, les bases sont saines et le travail mené par Davide Traxler fut rigoureux et efficace, nous permettant de l’approcher à très court terme. La croissance suivra. Chez Corum, elle passera par nos quatre piliers que sont Bridge, Admiral, Heritage (Feather, Coin, etc.) et Bubble.

Première interview exclusive de Jérôme Biard, CEO

Qu’en est-il d’Eterna ?
Nous faisons le même travail mais plus en profondeur. Les équipes seront largement mutualisées pour que l’énergie et l’expertise de Corum soit bénéfique à Eterna. Nous allons prendre d’abord appui sur des marchés très ciblés, avec les prescripteurs de la marque. Je pense notamment à la Suisse, l’Allemagne, l’Autriche, la France et les Etats-Unis. Nous allons nous concentrer sur ses piliers historiques uniquement dans un premier temps, KonTiki, Royal Kontiki et 1948. Avec ensuite de belles surprises à venir, plus jeunes. Nous allons insister fortement sur l’identité suisse allemande d’Eterna mais loin des clichés coucou-fromage-chocolat. Nous voulons renouveler l’identité, la rajeunir. C’est une marque avec un très beau potentiel. Il ne faut pas oublier que durant un temps, elle était en compétition directe avec Omega, par exemple. Elle doit revenir sur ses fondamentaux et se repositionner sur son créneau d’origine, 700 à 3 500 francs.

 

Première interview exclusive de Jérôme Biard, CEO

Avez-vous déjà Baselworld en perspective ?
Pour Corum oui mais plus pour Eterna. Nous devons très clairement orienter nos budgets de manière raisonnée. Il y aura de très belles choses avec Eterna mais ciblées, opportunistes et tactiques, avec des amis de la marque jeunes et dynamiques. Eterna, comme Corum, a le pouvoir de surprendre, que ce soit dans l’art ou le sport. Eterna sera un dénicheur de talents et, une fois son envol pris, la marque aura son propre directeur général.
 
Qu’en est-il de la partie mouvements d’Eterna, EMC ?
Chaque chose en son temps. Le vecteur de croissance d’Eterna, c’est déjà la marque elle-même, pas nécessairement ses capacités industrielles pour des tiers. Dans l’immédiat, le principal client d’EMC, ce sera Eterna elle-même. Ni Corum ni Eterna n’ont vocation à s’illustrer à court terme par le développement de mouvements manufacture. Encore une fois, chaque chose en son temps.

Marques