Focus sur l'affichage

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L'UR CC1 d'Urwerk affiche les heures et les minutes via des cylindres rétrogrades. Avant elle, l'Opus 9 ou la DualTow, pour ne citer que les plus récentes et admirées, posaient la question d'une nouvelle manière d'indiquer le temps.
3 août 2009

Chronique

Louis Nardin

Par tradition, habitude ou volonté esthétique, le quasi-monopole des aiguilles sur l'affichage du temps n'est pas prêt de vaciller. Pourtant, les initiatives pour marquer les heures et les minutes de façon différente s'accumulent. Lors de Baselworld, visiteurs et professionnels s'accordaient pour dire que l'Opus 9 d'Harry Winston et la DualTow de Christophe Claret constituaient les montres parmi les plus emblématiques du salon. A une époque où les complications les plus exigeantes se retrouvent chez un nombre croissant de marques, l'affichage représente un terrain d'exploration technique encore marginal.

Plots, prismes et cylindres

Les marques s'appellent Urwerk, MCT, Ladoire, MB&F, Cabestan ou encore Greubel & Forsey, pour n'en citer qu'une poignée, et toutes se distinguent par une manière étonnante d'afficher le temps. Plots, prismes ou bagues rotatifs, cylindres, chaînes ou courroies en caoutchouc dans le cas de l'Opus 9 ou de la DualTow, l'imagination de ces nouveaux venus – la plupart de ces marques n'a pas dix ans d'âge – n'est pas à démontrer. Autre certitude, chacune de ces pièces concentre, au minimum, des dizaines d'heures de recherche et développement. Au final, elles constituent donc de brillantes démonstrations de technique horlogère. Parfois étiquetées, à tort, «montres design» ou «concept watches» - dans le sens d'un essai horloger qui ne sera pas commercialisé -, ces pièces poussent à repenser, d'une façon assez radicale d'ailleurs, les canons de cette industrie. Lancées initialement comme des satellites exploratoires dans le cosmos horloger, ces marques ont su se faire une place. Les collectionneurs en achètent volontiers et le fait qu'elles continuent d'exister confirme leur raison d'être.Complications_326213_0

Durant le même temps, d'autres marques ont fait leur apparition. Partageant une vision plus opportuniste, elles visaient un but: exister sur le terrain de la haute horlogerie en proposant des pièces à grandes complications. Pour les servir, des constructeurs développèrent des calibres rassemblant les fonctions les plus techniques comme le tourbillon, la répétition minutes ou le quantième perpétuel. Le résultat de ce bond en avant s'est traduit par une offre bientôt pléthorique de cette catégorie de pièces. La multiplication des tourbillons l'illustre parfaitement. Ce faisant, le phénomène a conduit à écorner l'exclusivité de ces constructions techniques exigeantes. Une marque voulant prouver un statut hors du commun ne se doit-elle pas de proposer quelques-uns de ces raffinements mécaniques dans son catalogue?

Inventer les nouveaux affichagesCe mouvement de fond interroge en partie sur la place et le rôle des grandes marques.  Il pose en filigrane la question de quels sont les nouveaux espaces où les maisons dotées d'une véritable culture horlogère peuvent démontrer leur savoir-faire. Les recherches menées sur les matériaux, comme le silicium par exemple, représentent leur secteur privilégié. Et à suivre les dernières découvertes, beaucoup reste encore à faire. Les mouvements sans lubrification le démontrent par exemple puisqu'ils ont toujours été à la source de plusieurs dépôts de brevets. Reste qu'en termes de fonctions, l'horlogerie, aujourd'hui, se cherche. Co-fondateur d'Urwerk, Felix Baumgartner est parti de ce constat au moment de fonder sa société. Pour lui, les horlogers avaient exploré toutes les façons de mesurer le temps. Restait donc à inventer de nouvelles manières de l'indiquer.Complications_326213_1Une faille à exploiterReprésentant peut-être une façon de botter en touche, cette réflexion a eu le mérite de faire apparaître une manière nouvelle et créative d'envisager l'horlogerie. Depuis, plusieurs s'y sont donc essayé, avec succès. Et malgré leur jeunesse, ils constituent des acteurs désormais incontournables. Néanmoins, ils détiennent aujourd'hui l'exclusivité de cette démarche. Peu d'autres marques osent en effet s'y aventurer, et celles qui revendiquent une véritable histoire horlogère se montrent encore plus réservées. Pourtant, il existe une faille à exploiter. En restant à l'écart d'un certain futurisme propre à ces montres d'avant-garde, elles ont les moyens de creuser ce sillon. Patek Philippe l'a fait l'an dernier avec son modèle Réf.5207 qui intègre plusieurs grandes complications dont un quantième perpétuel à saut instantané. Pour obtenir un mouvement parfait lors du changement de date, les ingénieurs ont développé un mécanisme inédit ayant nécessité d'intenses recherches. Sans transformer l'affichage par guichets, la grande manufacture genevoise a néanmoins révolutionné cette indication.

 

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La Réf. 5207 de Patek Philippe © Patek Philippe