Constantes et variations

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La seconde édition du Concours International de Chronométrie est sur le point de dévoiler ses résultats. Retour sur une épreuve sérieuse, attendue et toujours instructive.

WORLDTEMPUS – 14 octobre 2011

David Chokron



Le Concours de Chronométrie créé en 2009 avait été un succès. La neutralité de ses juges, la variété des compétiteurs et l'attente qu'il avait suscitée chez le public ont permis une seconde édition. Les montres sont engagées dans la compétition depuis le 20 mai et les résultats vont être annoncés le 20 octobre. Avant le verdict, Worldtempus tenait à revenir sur ce qui est un véritable évènement et en disséquer le fonctionnement. En effet, la chronométrie est un pilier de l'horlogerie. La régularité de la marche d'une montre a été l'aiguillon qui faisait avancer et différenciait les marques durant le 19e et la première moitié du 20e siècle. Ces compétitions faisaient et défaisaient leur réputation. Leur retour est signe que certaines veulent à nouveau être reconnues pour leur précision. Elles cherchent une forme de gloire, ou de reconnaissance.

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Accidents et secrets

Or les maisons horlogères détestent la comparaison. Par orgueil parfois, mais aussi par bon sens. Elles préfèrent s'exprimer avec leur propre langage, esthétique et publicitaire. Etre jugé sur des bases objectives, c'est prendre le risque de perdre de la crédibilité, de l'estime de la part du public, et de perdre tout court. Bref, d'endommager son image. L'édition 2009 l'a bien prouvé, puisque seules 12 montres sur 16 avaient pu finir les épreuves, les autres ayant dépassé les critères éliminatoires ou tout bonnement cessé de fonctionner. Pour parer à un désastre marketing, il était prévu que seuls les gagnants de chaque catégorie seraient annoncés. Tous les autres ont pu rester dans l'anonymat…jusqu'à ce que quelques journalistes bien renseignés dévoilent l'intégralité du pot aux roses. L'édition 2011, elle, verra révélés les noms des trois premiers de chaque catégorie.

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Neutralité helvétique

Condition sine qua non, la neutralité de l'organisation du concours est maintenue. Elle est présidée par un professeur de l'EPFL, M. Claude Nicollier. Le jury est présidé par Jean-Marc Triscone, doyen de la Faculté des Sciences de l'Université de Genève. Les épreuves, dans leur conception comme leur déroulement, sont supervisées par un panel d'organisations horlogères indépendantes : Contrôle Officiel Suisse des Chronomètres (COSC), Observatoire de Besançon (France), Haute Ecole Arc Ingénierie du Locle et la Société Suisse de Chronométrie.

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Typologie

Le premier changement de fond concerne la définition des catégories. Elle tient compte de la grande surprise de l'édition 2009, où un tourbillon de Jaeger-LeCoultre était arrivé premier (et un autre second). Cette complication a beau avoir pour raison d'être une meilleure tenue chronométrique, la nature des épreuves lui était défavorable, lui qui est réputé si fragile. Les faits ont fait mentir cet apriori. C'est pourquoi les candidats sont répartis entre montres « Entreprises Classiques » et montres « Entreprises Tourbillon ». Une troisième catégorie est réservée aux étudiants d'écoles d'horlogerie, où 4 élèves (dont un américain) seront départagés sur leur capacité à assembler et régler un calibre Unitas 6498 d'ETA.

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Critères de jugement

Seules sont admises à concourir des montres de poignet, emboîtées, sans bracelet, indiquant au moins heures, minutes et secondes. Leurs composants doivent avoir été fabriqués dans « un pays européen », sans plus de précision, et assemblés et réglés par l'entreprise qui les présente. Leur marche est mesurée après avoir été soumises à trois séries d'épreuves de chocs simulant une activité forte, comme des applaudissements soutenus, et un test de résistance au magnétisme définis par la norme ISO 764. Le score maximum reste de 1000 points, auquel tout écart de marche retire des unités. L'équation qui définit la note de chaque participant est identique à celle de 2009 à un détail près. La notion de variation moyenne de marche a été affinée et répartie entre deux sous-critères, variation moyenne de marche et variation moyenne de marche entre les différentes positions. Celles-ci restent au nombre de 5, selon la définition de la norme ISO 3159, qui définit un chronomètre. Elle est utilisée au quotidien par le COSC.


Les candidats

La vraie différence, celle que tout le monde guette, concerne les participants. Jaeger-LeCoultre quitte la partie sur une victoire. Zenith et Audemars Piguet ne reviennent pas. Chopard, François-Paul Journe, Kari Voutilainen et Greubel Forsey maintiennent leur participation. Le Swatch Group est lui aussi toujours présent. Le mastodonte de Bienne maintient Tissot avec un ETA 2824 à échappement en silicium et y adjoint une Mido avec calibre ETA 2836 certifié chronomètre. Une manière de dire que l'entrée de gamme d'ETA suffit à rivaliser avec des pièces bien plus sophistiquées et coûteuses. Cela dit, rien n'oblige la marque à présenter un calibre de série. Bien au contraire, les mouvements compétiteurs sont réglés et affinés minutieusement. Les performances des mouvements engagés reflètent-ils réellement celles d'un exemplaire lambda ?

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Nouveaux et absents
   
Un type d'intervenant nouveau fait une arrivée en force sur le concours. Avec un calibre dans chaque catégorie, le motoriste alternatif Technotime est à la recherche d'une validation professionnelle. La démarche est similaire pour MHVJ, émanation haut de gamme du groupe Festina, qui présente un calibre classique et deux fois le même tourbillon, une fois sous son nom, une autre dans une montre L.Leroy. Quant aux grands absents, ils sont toujours les mêmes : Rolex et Breitling, deux des plus gros utilisateurs de la certification COSC, les manufactures du groupe Richemont, Patek Philippe et le haut de gamme du Swatch Group. On espérait aussi voir venir Sellita, motoriste généraliste en pleine ascension. Les matériaux innovants sont représentés, signe des temps. Ancre en diamant chez MHVJ, roue d'échappement et ancre en silicium chez Chopard, juste la roue d'échappement chez Frédérique Constant. La querelle des anciens et des modernes aura bien lieu, mais avec un échantillon encore fragmentaire de la production horlogère suisse. Pourvu que cela change.

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