2 fois, un double fuseau horaire

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L'affichage d'un double fuseau horaire est pavé de difficultés : comment prendre en compte les demi-fuseaux horaires? Comment assurer le réglage de deux fuseaux horaires différents et de la date par l'entremise de la seule couronne? Blancpain relève ces défis de main de maître avec les deux nouveaux modèles Villeret.


Lettres du Brassus  - No 09

Jeffrey S. Kingston



Les globe-trotters n'ont-ils pas mérité de disposer d'un garde-temps qui leur enlève l'une des préoccupations inhérentes à un voyage au long cours ?

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J'ai eu la chance de connaître l'époque où les voyages étaient nimbés de rêves et de charmes. Il n'était pas question alors de monter à bord avec ces horribles survêtements adoptés par certains pour les vols au long cours. Les hommes étaient vêtus de complets bien repassés, d'une chemise amidonnée et d'une cravate irréprochablement nouée autour du cou tandis que, pour les dames, une robe longue, un chapeau et, naturellement, des gants étaient de rigueur. Imaginez ces jours grisants où, à peine arrivés à l'aéroport, les voyageurs se dirigeaient à grandes enjambées vers la porte d'embarquement, sans avoir à retirer leur veste au contrôle de sécurité, ni à disposer leurs possessions sur un tapis roulant comme s'ils souhaitaient les céder au plus offrant sur un étalage de bazar. À l'apparition des premiers gros-porteurs, les compagnies aériennes se disputaient la faveur des consommateurs en rivalisant de luxe. Un piano-bar sur le pont supérieur, des tables recouvertes d'une nappe blanche dans la section centrale alors que les filets de boeuf, d'agneau ou de veau étaient découpés devant les convives.

Comme nous l'avons tous tristement constaté, ce monde de rêve a été systématiquement démantelé. Plutôt que d'être transportés dans un chapelet de grâces réconfortantes, les passagers sont contraints de s'armer de courage pour résister aux assauts perpétrés contre leur dignité dès l'instant où ils franchissent la porte de l'aéroport jusqu'au moment où ils parviennent à l'extérieur du terminal de destination. Où le plaisir s'en est-il allé ? Quel est le mauvais génie qui a dérobé cet univers de sérénité présenté par les publicités des compagnies aériennes au cours des décennies 1960 et 1970 où de ravissantes hôtesses se penchaient avec sollicitude vers des passagers au sourire étincelant et tirés à quatre épingles afin de répondre à leurs moindres désirs ?

Cependant, quels que soient les motifs qui ont conduit à cet état de fait, nul n'espère plus qu'il ne se modifie dans un avenir proche. Aussi, sur cette triste toile de fond, laissons apparaître la montre de voyage. Les globe-trotters n'on-ils pas mérité de disposer d'un garde-temps qui leur enlève l'une des préoccupations inhérentes à un voyage à longue distance ? A cet effet, leur montre ne doit pas uniquement garder trace de l'heure du lieu de résidence tout en affichant celle du voyage, mais assurer ce plaisant intermède à chaque fois que le regard se pose sur le cadran, à l'image d'un instant de répit dans le tourment des innombrables vicissitudes qui assaillent l'intrépide voyageur.

Tel était le sentiment qui animait les constructeurs et les horlogers de Blancpain lors de la conception des deux nouvelles Villeret à double fuseau horaire qui ont été dévoilées à Bâle en 2011. L'objectif était clair : il s'agissait de réaliser des garde-temps simples et agréables à utiliser, de leur permettre de s'adapter à toutes les grandes destinations du globe et de conjuguer ces deux exigences avec style et élégance. Les deux nouveaux modèles de la ligne Villeret, avec un diamètre de 40 millimètres et 72 heures de réserve de marche, ou avec un diamètre de 42 millimètres et une réserve de marche qui atteint huit jours entiers, observent une convention de design de la manufacture pour les montres de voyage, la présence d'un double jeu d'aiguilles, l'un de petites dimensions dans un compteur à 12 heures pour afficher l'heure du lieu de résidence et l'autre de grandes dimensions au centre du cadran pour indiquer l'heure locale. Cette disposition du double fuseau horaire (le terme horloger pour définir deux affichages distincts mais complets sur un même cadran) est parfaitement conçue pour offrir la lecture des deux indications en un seul coup d'oeil, sans le moindre risque d'erreur.

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Même si les principes qui président à l'affichage de l'heure de résidence et de celle du voyage suivent une pratique adoptée de longue date par Blancpain, les deux modèles se caractérisent par des avancées significatives au chapitre de la fonctionnalité. Comme précédemment, le réglage de l'heure locale s'effectue par l'intermédiaire de la couronne. Lorsqu'elle se trouve en position de réglage, l'indication du temps local avance par une série de sauts prédéterminés, alors que l'affichage de l'heure du lieu de résidence à 12 heures demeure inchangé. À cet égard également, les nouveaux modèles sont semblables à leurs prédécesseurs. L'aspect révolutionnaire réside dans l'intégration de demi-fuseaux horaires. Les montres à double fuseau horaire étaient auparavant programmées pour faire avancer l'heure locale par des sauts d'une heure entière à chaque fois, un rythme adapté pour la plupart des grandes villes de la Terre, mais qui ne tient pas compte des métropoles aussi importantes que Delhi, Caracas ou Kaboul pour en citer quelques-unes. Selon les décrets édictés par les gouvernements concernés, ces villes et quelques autres ont résolu de déterminer leur heure légale à une demi-heure d'écart par rapport aux fuseaux horaires qui leur sont adjacents de part et d'autre. Afin de permettre aux nouvelles montres Villeret d'être utilisées dans tous les lieux du monde, à l'exception de deux ou trois îles qui ont estimé pertinent de définir l'heure qu'elles observent par une différence de quinze minutes avec le fuseau horaire le plus proche, Blancpain les a équipées d'un mouvement qui fait avancer les indications de l'heure locale par sauts d'une demi-heure. Cette exigence requiert toutefois un mécanisme GMT d'une complexité incomparablement plus élevée pour un motif aisément compréhensible. Plutôt que de modifier uniquement la position de l'aiguille des heures par des sauts d'une heure, les nouvelles Villeret sont désormais dotées des composants nécessaires à la progression des deux aiguilles, celle des heures et celle des minutes, par des bonds précis de trente minutes. Ainsi, ces garde-temps sont conçus pour afficher l'heure de n'importe quelle grande ville de la planète et prennent enfin en considération les cités qui possèdent une demi-heure d'écart avec la métropole du fuseau horaire le plus proche.

Blancpain a également mené à bien une seconde avancée décisive dans le réglage de la montre. Sur les modèles antérieurs à double fuseau horaire des collections Léman et Villeret, la date était réglée en retirant la couronne d'un cran (une position aussi utilisée pour faire avancer l'aiguille des heures du temps local par sauts d'une heure sur les éditions précédentes). La correction de la date requérait le déplacement de l'aiguille des heures, en avant ou en arrière, du nombre de tours requis pour parvenir au quantième souhaité. De ce fait, les modèles antérieurs, qui s'accordaient sur ce point à la pratique presque universellement adoptée par les marques horlogères pour les montres analogiques à double fuseau horaire, ne disposaient pas d'une méthode de réglage rapide de la date. Les nouvelles Villeret sonnent le glas de cet inconvénient en offrant la possibilité au propriétaire de la montre de modifier la date sans qu'il soit contraint à cet effet de faire décrire des tours successifs à l'aiguille des heures du temps local.

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Blancpain a développé un système ingénieux pour commander trois fonctions avec la couronne

Pour parvenir à cette prouesse technique, Blancpain a développé une couronne munie d'un sélecteur qui adopte la forme d'un poussoir et commande son enclenchement et son déclenchement. La couronne retirée en position 1 modifie, en avant ou en arrière, le réglage de l'heure locale par sauts d'une demi-heure ou l'ajustement de la date en fonction de la position du sélecteur. Une petite aiguille entre 4 et 5 heures sur le cadran indique si le sélecteur de la couronne se trouve dans la position requise pour le réglage de l'heure locale ou la correction de la date. Si la petite aiguille indique « T » (pour Time), il suffit à l'utilisateur de retirer la couronne dans la position 1 et de la faire pivoter jusqu'à atteindre le fuseau horaire désiré (pendant ce temps, l'affichage de l'heure de référence à 12 heures demeure naturellement inchangé). À l'inverse, quand il souhaite procéder au réglage de la date, il pressera le poussoir situé sur la couronne jusqu'à ce que la petite aiguille indique « D » (pour Date), retirera à nouveau la courone en position 1 et lui imprimera des mouvements de rotation afin de procéder à l'ajustement rapide de la date. À l'évidence, si la date est déjà réglée pour l'heure de référence et que l'heure de voyage est avancée ou retardée en franchissant minuit, la date se modifie automatiquement, sans qu'aucune intervention manuelle ne soit nécessaire.

La mise au point du complexe mécanisme pour le sélecteur de la couronne a exigé des constructeurs de Blancpain de consulter leur vaste répertoire des dispositifs utilisés pour la mesure de brefs intervalles temporels. Tous les chronographes de Blancpain sont dotés d'un composant connu sous le nom de roue à colonnes pour le contrôle des fonctions inhérentes à ce type de garde-temps : le départ, l'arrêt et le retour à zéro. Les roues à colonnes ne confèrent pas uniquement une précision incomparable lors de la commande des fonctions, mais dotent chaque poussoir d'un toucher doux et soyeux. Ces atouts ont élevé la roue à colonnes au rang de caractéristique emblématique pour tout chronographe de haut vol (alors que, à l'inverse, les modèles qui comportent pas de roue à colonnes dénotent une construction à bon marché qui permet assurément de produire un garde-temps à meilleur compte, mais lui retire d'emblée toute légitimité pour se prévaloir des qualités spécifiques aux créations de Haute Horlogerie). Ainsi, en recourant aux mécanismes développés pour ses chronographes, Blancpain a doté le sélecteur d'une roue à colonnes. Naturellement, des moyens plus simples auraient pu conduire à l'objectif recherché, mais les horlogers de la manufacture ont assuré par ce choix la parfaite précision de la sélection entre le réglage de l'heure locale et de la date tout en conférant à l'utilisation du poussoir cette sensation onctueuse qui transforme chaque actionnement en agrément.

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L'utilisation d'une roue à colonnes pour le mécanisme du sélecteur confère au poussoir un toucher doux et soyeux

La conception géniale de cette construction qui comporte une roue à colonnes est représentée par les diagrammes 1 et 2. Sur la figure 1, le mécanisme se trouve dans la position requise pour le réglage de l'heure. La roue à colonnes, illustrée en B, comprend deux composants principaux. Le niveau inférieur est caractérisé par la présence de dents qui s'engagent avec le poussoir A. Au niveau supérieur, les « colonnes », également appelées « piliers », forment une série d'aspérités qui alternent avec des creux. Dans la position illustrée sur le schéma 1, le grand levier C repose sur l'une des saillies, ce qui provoque l'engrènement du rouage E de la couronne avec la roue des heures F du second fuseau horaire. Le raffinement apporté par une commande dotée d'une roue à colonnes est représenté sur le diagramme 2 qui montre le déroulement des opérations dès lors que l'utilisateur presse une nouvelle fois le poussoir A. Cette action entraîne la rotation dans le sens horaire de la roue à colonnes B. À son tour, cette rotation fait avancer le doigt du grand levier C et provoque sa chute dans un creux. Ce changement de position se traduit par le désengagement du rouage E de la roue des heures du second fuseau horaire afin de permettre la connexion de la roue à trois dents I avec le cercle extérieur de la date. Simultanément, le rochet G se déplace dans le sens horaire en changeant la position de l'aiguille H qui indique sur le cadran si l'heure ou la date a été sélectionnée. Un autre élément a été intégré au mécanisme du changement de date. Blancpain l'a totalement sécurisé. Comme les amateurs chevronnés ne l'ignorent pas, la plupart des mécanismes de date peuvent être endommagés si un changement manuel est effectué pendant la période où le mouvement procède à l'avancement automatique de la date (en général dans les heures qui précèdent et suivent minuit). En effet, comme les rouages sont déjà engagés pour réaliser le changement, toute intervention manuelle pourrait briser les fines dents. Sur les nouveaux modèles Villeret, Blancpain a protégé le mouvement de tout risque d'endommagement en déconnectant le dispositif d'ajustement manuel pendant ces heures cruciales. Si l'utilisateur tente de régler la date pendant ce laps de temps, la couronne tournera dans le vide. Existe-t-il des systèmes de sélection plus simples ? Incontestablement, cependant aucun d'eux n'égale le raffinement de la roue à colonnes et, plus important encore, n'offre à l'amateur cette impression de douceur et de précision, qui demeure l'apanage de la roue à colonnes.

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Les deux modèles Villeret complètent leurs affichages de manière identique par une indication jour/nuit située à 9 heures. Comme il se doit, l'aiguille jour/nuit est reliée à l'heure de référence et précise s'il est huit heures du soir ou du matin dans le lieu de résidence. Espérons en effet qu'une telle indication soit superflue pour l'heure locale car un coup d'oeil à travers la fenêtre devrait suffire pour connaître la réponse à cette question.

Les modèles avec huit jours de réserve de marche et un boîtier de 42 millimètres sont les porteétendards de la nouvelle ligne. Disponibles en or rouge ou en or blanc, elles se distinguent par un cadran bombé à l'émail grand feu. L'indication jour / nuit a fait l'objet d'une attention particulière car le soleil, qui symbolise le jour, est obtenu par un procédé spécial pour déposer un revêtement en or sur la couche supérieure d'émail alors que la lune pour les heures de la nuit est confectionnée avec la même technique utilisée avec du platine. Le mouvement à remontage automatique possède un balancier en titane à inertie variable avec des vis de régulation en or et trois barillets.

La version au diamètre de 40 millimètres, animée par un mouvement automatique doté de deux barillets, est proposée dans une combinaison entre un boîtier en acier et un cadran blanc.

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